vendredi 25 mars 2011

"Fiction" 3 ?? Non...

En fait, pas "Fiction". Ce billet n'en a que l'appellation. Mais je préfère que ce soit ainsi.
Une fiction est, parfois, totalement réaliste, n'est-ce-pas...

Mal dormi cette nuit, la tête qui émerge difficilement ce matin.
Pourtant, dans ces moments-là, mon cerveau est assez productif. Enfin non, pas productif. Créatif. Et sensible, au sens "ressenti" du terme.

Sous la douche, je laisse couler l'eau sur mon dos.
Je m'efforce d'exacerber les sensations des longs filets courant sur ma peau, des gouttelettes qui la frappent.
Faites un jour cet exercice, vous y trouverez quelquechose de nouveau. Je vous l'assure.
Prenez le temps.
Réglez la température ni fraîche ni trop chaude, juste agréable.
Fermez les yeux.
Laissez couler la tiédeur du liquide sur votre corps, vous envahir.
Laissez votre esprit partir quelques instants.
Puis ressentez les myriades de gouttes qui fouettent votre épiderme, le trajet naturel que prend l'eau le long de la colonne vertébrale, de la caresse qui vous enveloppe presque tout entier, toute entière.
Explorez ces sensations, laissez votre corps y goûter, y réagir.
Vous y trouverez un plaisir simple, et rare.
Et ce plaisir peut même se partager à deux, pour peu que votre compagnon ou compagne soit sensible à ce genre de choses. A l'écoute de votre corps, il ou elle saura trouver les bons mouvements, la bonne distance, le bon angle...
Pour ma part, j'y mélangerais même des parfums. De vanille, de fruits exotiques ou d'abricot.
Et cela transformera une simple douche en un moment de sensations très fortes.

Mais on s'éloigne largement du sujet de ce billet, et je reprends donc où je m'en étais arrêté.
Sorti de ma douche, habillé, prêt à partir, je m'empare de mes clés et file jusqu'au métro. Oui, je file. Je n'aime pas traînasser dans les rues comme toutes ces personnes qui marchent à deux à l'heure, c'est insupportable quand on est coincé derrière. Et là j'arrive sur le quai du métro.
Musique dans les oreilles, la voix de Mila Jovovich me sussure et m'emporte. Ah oui, pour ceux qui connaissent mes goûts, curieusement, en ce moment je tourne en boucle sur un truc plutôt soft : Mila Jovovich avec Puscifer : The Mission.
J'aime bien sa voix, elle effleure juste mon esprit, comme la caresse de la soie sur un dos nu, et parfois s'appuie plus fort sur des intonations provocatrices et impérieuses.
Je suis donc sur le quai du métro, tout mon corps battant aux rythmes hypnotiques qui m'emplissent la tête, le ventre, les veines...
Un parfum intense s'introduit dans mes narines. Des notes fruitées, fleuries, épicées et vanillées. Une jeune femme d'une trentaine d'années passe derrière moi et s'arrête à côté au moment où la rame arrive, chassant les effluves l'espace d'un instant.
Veste courte sur les épaules, haut couleur prune légèrement évasé au niveau de la gorge, jupe cintrée anthracite descendant jusqu'au genoux, bas de soie noirs mais pas opaques (oui, bas, et pas collant, on voit clairement la différence avec une jupe fuselée...), bottes en cuir montantes à mi-mollet. Une taille fine, et environ une tête de moins que moi si j'en juge le peu de hauteur de ses talons.
Je ne vois pas son visage, et je préfère ne pas tourner la tête, ce n'est pas gentleman.
Les portes s'ouvrent. Du fait de nos positions sur le quai, les portes de la rame s'ouvrent devant moi.
Nous montons et choisissons évidemment les strapontins, encore libres à cette heure-ci.
Au moment de m'asseoir je sens son regard sur moi. Un rapide coup d'oeil en coin me confirme la chose.

Les délices fruités et vanillés reprennent possession de mes narines, presque de mes papilles, les fleurs éclosent dans ma tête, les épices chatouillent ma gorge. J'ai l'impression de toucher, de tirer sur un ruban de satin et chaque plus petit effleurement est sujet à ces mêmes sensations dont je parle plus haut avec la douche...
Je l'entends tout à coup inspirer. Discrètement, mais inspirer. Pas une inspiration normale qu'on a sans même y penser. Une de ces inspirations lente et profonde qu'on a quand on veut profiter d'une odeur. Elle penche légèrement la tête vers moi, ce qui confirme ce que je pense. Aujourd'hui je porte "Gautier 2". Elle semble apprécier.
Tout en continuant à regarder devant moi, je ne peux m'empêcher de sourire.
De manière surprenante, elle esquisse aussi un sourire, en tournant la tête vers moi.
Nos regards se croisent alors.

Elle a un visage harmonieux, un grand front, un sourire large, une lèvre inférieure un peu plus épaisse que la supérieure, et je trouve cela délicieux. Un regard profond qui me sonde de ses yeux sombres.
Mon esprit a un spasme de douleur. Une explosion d'images m'inonde la tête, le ventre, plante une gigantesque stalactite de glace dans mon cœur. Trop de similitudes.
Mes yeux se perdent dans le vague, mon sourire s'efface, comme une œuvre faite à la craie sur un trottoir se délite aux assauts d'une pluie d'orage.
Elle continue de me regarder et ses yeux se plissent, interrogateurs.
Je sais que mes yeux ont dû changer de couleur et prendre cette teinte bleue délavée qu'ils revêtent lorsque mon esprit part loin pour s'égarer dans des contrées secrètes que je parcours et qui sont mon domaine. Mes landes antiques, mes racines sauvages, ma jungle où ce fauve entravé mais indomptable rôde...
Mon visage se détourne pour fixer le sol.

Sa main passe sur mon épaule, le haut de mon bras.
Toucher involontaire pour un œil extérieur.
Caresse, à l'évidence, pour nous deux.
Elle me sourit sincèrement.
Nous deux.
Deux parfaits inconnus encore 5 minutes avant.
Deux parfaits inconnus d'ici 10 minutes.
Telle est ma volonté.

Elle croise ses jambes, attirant volontairement mon regard sur elles.
C'est fort, elle manipule mes réactions si facilement...
Je relève mes manches, faisant jouer et rouler les tendons des doigts sous la peau fine du dos des mains. Son regard se fixe immédiatement dessus.
Ah tu veux jouer à ça... Je peux lire en toi avec autant de facilité que tu as à me faire réagir, et je peux aussi faire ce genre de choses !
Mon esprit rugit. Le fauve tire sur ses chaînes, les griffes veulent jaillir. Du mal à le contenir
Bon sang, l'image de ses lèvres me revient en tête. Envie de les embrasser.
Malgré moi, mes yeux glissent sur son visage et s'attardent sur le velouté à peine brilliant, légèrement humecté de sa lèvre inférieure, pleine, ronde. Le satin d'un pétale de rose. Des lèvres douces comme une rose... qui esquissent un léger sourire...


"REPUBLIQUE !... REPUBLIQUE !"
Enfin ! Ca devient trop intense là.
Je me lève, un peu trop vite pour quelqu'un censé être serein. Elle est debout également, et se tient très près de moi je trouve. Sa main effleure la mienne, comme un souffle, et remonte dans mon dos, le long de la sangle de son sac à main.
La rame freine, je la vois griffonner quelquechose sur un post-it qu'elle vient de tirer de son sac.
Le temps se ralentit.
Les portes s'ouvrent, nous descendons.
Je sens une main saisir mon bras et me forcer à me retourner.
L'instant d'après, sa main est derrière ma nuque, et elle pose un baiser sur ma joue. Enfin, pas tout à fait sur ma joue. A la commissure de mes lèvres.
Son rouge à lèvre sent les fruits rouges, la mûre ou la myrtille. La framboise peut-être.
Son autre main se glisse dans la poche du haut de ma veste.
Elle me souffle un mot : "Merci..." et s'éloigne vivement.

On peut se cacher, on peut se raisonner, on peut se fustiger, on peut s'oublier, se perdre ou même s'obliger à ne pas penser.

Mais le cœur est toujours plus fort. C'est lui qui anime notre être, ce que nous sommes, ce que nous aspirons à vivre.


En gravissant les marches, je trouve dans ma poche le post-it jaune sur lequel elle a écrit son prénom et son numéro de téléphone portable.
Une écriture large, artistique.
Je souris à ce petit morceau de papier qui signifie tant de choses.
Et c'est avec ce même sourire que je le laisse tomber une petite boule de papier jaune dans la poubelle qui passe à portée de ma main.


Telle est ma volonté.

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