jeudi 13 septembre 2007

Vacances en Corse, ou les sources de mon enfance.

Presque 15 ans déjà que je n'avais foulé le sol d'Ajaccio. Ville merveilleuse à mon souvenir, toute teintée d'ocres, de jaunes, d'oranges tirant sur le brun, mais aussi des sourires énigmatiques des vieux Corses qui, installés sur les bancs à l'ombre, surveillent toute l'activité de fourmi des chaudes journées ajacciennes. Ces mêmes sourires qui, malgré le fait que je sois un pinsut, m'accueillent toujours aussi chaleureusement, à la manière de cet homme à la voix un peu cassée comme celle du Parrain, au visage buriné et aux traits fins, creusé des rides habituelles des hommes de la mer, un Doume émouvant en ce samedi soir. Comme s'il me disait : "Tiens, petit, confie-moi ton coeur, je vais le déposer à côté de celui de ce pays. Tu le reprendras en partant."
Et comme à chaque fois, je l'oublie au moment d'embarquer pour le continent, et je suis obligé de m'en refaire un, provisoire, en attendant d'y retourner pour les retrouver tous, battant de la pulsation profonde et puissante de cette terre fabuleuse.
Les odeurs sublimes qui recouvrent la Corse sont tout aussi uniques, elles vous prennent et vous pénètrent au plus profond de vos papilles, enveloppant votre cerveau d'un halo de douceur qui ne peut que vous faire sourire de joie comme un enfant émerveillé par des paroles réconfortantes. Car c'est cela, les senteurs du maquis ici. Ce sont des chants polyphoniques pour l'odorat...

J'aime la Corse. Je dis toujours que j'ai 2 patries, l'Alsace et la Corse. L'Alsace de mes racines et la Corse que mon cœur a adopté dès le premier jour. Chaque fois que je pose le pied sur le sol Corse, un courant de paix m'envahit. Comme si j'étais de retour chez moi. Dans mon autre "chez-moi". Ces terres rugueuses, comme les mains de leurs habitants, comme leur accents lorsqu'ils vous content des histoires de bergers ou de marins, cette force de leurs montagnes, leurs fromages, leur charcuterie, à l'image de leurs caractères, cette douceur du climat, comme l'est leur accueil et leur bienveillance à l'égard de ceux qui les aiment. Je suis un amoureux de la Corse. Inconditionnel. S'il est un pays qui le mérite, à mes yeux, c'est celui-ci que j'ai le bonheur de fouler ces quelques jours.

C'est donc un pèlerinage dans mon enfance que je suis donc retourné faire cette année.
J'ai débarqué samedi soir à Ajaccio. J'ai des étoiles dans les yeux et la fièvre de retrouver tous les endroits que j'avais vu pendant près de 15 ans. J'avais 4 ans la première fois que je suis venu à Ajaccio. Et 18 ans la dernière fois.
J'y ai connu des gens, ressenti des émotions, vu tant de merveilles qui m'ont profondément marqué.
Le lendemain de mon arrivée a donc été un moment intense d'émotion que mes yeux humides n'ont pas démenti. En tout premier, je suis retourné dans le couloir du 5è étage de cet immeuble, le SAMOS III, où nous logions chaque année avec ma famille. Le 501 a toujours sa petite plaque noire gravé au nom de son propriétaire. Mais le 503 a perdu la sienne. Et pas depuis longtemps, puisque le nom est marqué sur un autocollant qui n'a ni perdu sa blancheur, ni n'a de coin décollé, généralement classique des adhésifs qui ont connu les chaleurs de plusieurs étés. Mais pourquoi le 503 ? Dans cet appartement à la porte toujours grande ouverte, Madame Chapelon, un petit bout de bonne femme d'origine parisienne, toujours active, passait les 6 mois de l'année les meilleurs. Et parfois même les fêtes de fin d'année. Elle nous avait accueilli la première fois que nous étions arrivé dans ce couloir, alors que l'appartement juste à côté avait brûlé, et que tout était couvert de suie. Elle nous avait suivi parfois sur la plage. Elle fumait des Pall Mall rouges, je m'en souviens comme si c'était hier. Elle râlait en parfaite parisienne, mais avait acquis le hâle et possédait la gentillesse des gens de ce pays. Ah, Madame Chapelon. Si je savais où elle était enterrée, j'irai bien déposer quelques fleurs sur sa tombe. C'est une des figures emblématique de mon enfance.
Son appartement était très feutré, d'épais tapis couvraient le sol qu'elle foulait toujours pieds nus. Une lourde odeur de tabac s'accrochait à tout, mais elle n'était pas désagréable. C'était un peu une mamie comme on les aime. Je me rappelle particulièrement ce jour où j'étais malade à cause d'une déshydratation, et où elle s'est occupée de moi toute la journée. Quel souvenir...
Elle était maigre, tannée par le soleil et la cigarette, mais d'un humour et d'une gentillesse rare.
Où que vous soyez, reposez en paix, Simone Chapelon, je vous ai aimé de tout mon cœur d'enfant.

Après ce voyage à l'appartement, je me suis tout naturellement tourné vers les plages de nos vacances. LA plage surtout, celle à côté de la propriété de Tino Rossi, en dessous du Scudo. Mais là aussi, les changements sont grands. Une paillote faite à la va-vite, sur des étais métalliques utilisés dans le bâtiment pour faire les fenêtres ou les encadrements. Cette plage qui était sauvage est devenue commerciale. Quelle tristesse. Nous y avons quand même fait halte, histoire d'explorer à nouveau les rochers de part et d'autre, qui avaient marqué mes souvenirs d'enfance, les remplissant d'histoires de course-poursuite entre rochers et barbotements dans l'eau, de coulage d'amies saisonnières (dédicaces toutes spéciales à Emmanuelle Cerdan-Vuillaume, Stéphanie Villanti et Stéphanie Perez...) et grands moments de joie.
Ce fut beaucoup pour cette journée-là.

Aujourd'hui, j'y suis retourné. La paillote avait fermé. La saison est terminée. La plage retrouve son aspect un peu sauvage. Entre-temps, je me suis racheté un fusil, et un peu de matériel histoire de pouvoir aller taquiner le poisson. Et là, je n'ai pas été déçu. Les réflexes reviennent vite, même après tant d'années. On est un peu rouillé, mais le poisson a toutes ses chances, dans son élément, et j'aime cette partie de cache-cache quand on doit descendre dans les 10m de profondeur pour aller le chercher, en tirant une flèche qui pour un demi-centimètre trop haut ou trop bas, ira terminer sa course dans le sable au mieux, dans le rocher au pire...
J'ai retrouvé la forme des rochers que je connaissais si bien il y a presque 15 ans.
J'ai donc ramené 2 poissons aujourd'hui. Je vais les déguster dans quelques minutes. J'espère faire mieux demain, surtout que j'en ai blessé 2 autres, et que ça m'a bien énervé de ne pouvoir les retrouver et de me dire que c'est une murène ou les crabes qui en profiteront...

Nous sommes le 6è jour, et ce sont des vacances de rêve, entre les souvenirs resurgis de mon enfance et ceux que je créé à chaque instant de ces moments...