jeudi 10 janvier 2008

Souvenirs...

Ce soir en prenant le métro, j'ai cru apercevoir une tête que je connaissais bien. Celle de mon ami, que j'ai toujours considéré comme mon frère, Pierre. Mêmes traits anguleux, même coupe en pétard, même blouson en cuir. Ca fait longtemps que je ne l'ai pas vu, un peu plus de 7 ans en fait.
De grosses bouffées de souvenirs sont ressorties de ma mémoire, tout d'un coup.
Qu'est-ce-qu'on a pu bourlinguer ensemble... Roanne, l'Ardèche, l'Italie, l'Allemagne, Paray, la Bretagne, Paris, les mariages, les nuits sur la route, les virées sur les lacs en planche à voile de jour comme de nuit, et par tous les temps, tout ça dans son Citröen C25 aménagé. On y avait collé de la moquette sur tout l'intérieur, une fenêtre avec volet et moustiquaire était percée sur le côté opposé à la porte coulissante... Des sièges de R25 de luxe remplaçaient les classiques sièges, et ils étaient si confortables qu'on pouvait sans problème s'endormir dedans. Du coup, quand on faisait de longs trajets, on pouvait se relayer facilement. L'un conduisait, l'autre dormait.
Et puis à chaque étape importante qu'on réussissait ou qu'on dépassait dans nos vies, on s'offrait réciproquement un cigare. C'était LE cigare. Qu'on fumait d'ailleurs ensemble en devisant, ou en silence. Parce que c'était une particularité entre nous : nous n'avions pas besoin de parler pour savoir ce que l'autre pensait. C'était mieux que de la télépathie. Une sorte d'osmose de pensée.
Avant même d'ouvrir la bouche, on s'était compris.

C'était un bonheur de passer des soirées devant sa cheminée après une rude journée au vent glaçant des Monts de la Madeleine, ou à boire quelques bières sorties du réfrigérateur dans la grande salle fraîche qui jouxtait la maison alors que dehors une chaleur écrasante brûlait la végétation. De commencer à préparer des chansons, ou la prochaine fête qu'on allait organiser.
C'était vraiment grandiose, l'impression de liberté totale.
A chaque fois qu'on avait un problème, son bon sens dictait la bonne solution, et c'était parfaitement évident. Le bon sens. Même si ça fait longtemps que je ne l'ai plus vu, c'est son bon sens qui me guide et m'aide souvent à prendre du recul sur certaines situations. Son bon sens et sa capacité à voir les choses et les gens, à les comprendre du premier coup d'oeil.
Encore tout récemment, quelqu'un de mon entourage m'a fait part de son ressenti sur plusieurs personnes. Et à chaque fois j'ai pu lui répéter "Oui, ça fait 3 ans que je le dis, ça..." ou "J'avais dit quoi la première fois que je l'ai vu ?". Ca aussi, c'est Pierre qui me l'a enseigné.
En fait il m'a enseigné à respirer, à vivre. "Vivre chaque instant comme si c'était le dernier."
Ne jamais regretter ce qu'on a vécu, et faire en sorte de ne jamais avoir à regretter quelquechose qu'on aurait raté et qu'on aurait voulu faire.
Et puis il m'avait sauvé la vie... 3 fois, quand même. Dont une fois lors d'une aventure spéléologique l'année de ses 25 ans (j'en avais 23), où, après avoir dormi à 600m sous terre, nous devions remonter par une cheminée de près de 30m. Pierre était en haut et s'occupait de décrocher les gens et de les raccrocher à une autre corde pour qu'ils puissent sortir. Je suis en bas, je m'accroche bien, je visse la sécurité du mousqueton principal bien fort et c'est parti, je commence à tirer sur les descendeurs. 30 mètres, c'est long quand on doit les faire à la force des bras. J'arrive en haut, et Pierre me regarde avec ce "truc" qui fait qu'on se comprend immédiatement. Dans ma tête, c'est plus que des centaines de signaux d'alarme. C'est "Ne bouge même plus un cil". Sa main s'avance doucement et se saisit de ma corde de sécurité. Le mousqueton s'était complètement dévissé et les 2 cordes qui m'empêchaient de tomber dans le vide étaient à moins de 5mm de sortir violemment du mousqueton. Il m'a raccroché à la vie, au sens propre du terme, ce jour-là !!
Et l'Ardèche... Ces heures passées avec un groupe d'amis proches, à voir des paysages, à se baigner dans les gorges où l'eau est si froide que le soleil brûlant a du mal à vous réchauffer, à rire comme des tordus, à gratouiller la guitare qui nous accompagnait toujours dans les longs périples. Tous ces souvenirs qui restent gravés dans ma tête...
Sacré vieux frère... 7 longues années !
Bizarre que ce gars lui ressemble tellement !! Et juste à côté de moi ! J'en aurais presque souri ...


Mais ça n'était pas Pierre. Ca ne pouvait pas être Pierre.
Pierre est mort le 10 janvier 2001, il y a très exactement 7 ans.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Opération taupes un de ces jours avec une copine, vers Lyon (Roanne, exactement :) ). Ca te botte?
Je ne sais pas quand, ni où, mais je sais que c'est prévu.

Anonyme a dit…

Je suis touché, c'est rare, votre complicité me renvoit une foule de choses en tête.

En espérant ne pas te froisser sur ces souvenirs aussi sacré et avec tout mon respect :

Merci pour lui Hatch.

Je suis fier de te connaitre.

Anonyme a dit…
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